Manca 2010
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CIRM

Édito 2010

Il est étonnant, aujourd’hui, qu’il faille encore tordre le coup à cette idée reçue selon laquelle les compositeurs contemporains seraient totalement déconnectés de toute sensibilité et de toute ambition poétique au profit d’une production intellectuelle qui nierait tout accès à l’intime et à l’humanité de chacun d’entre nous. Bien sûr, chaque époque véhicule son lot d’imposteurs et il nous appartient à tous de les démasquer au plus vite. C’est ainsi, à force de « tris » successifs que se constitue un répertoire au fil des décennies et le festival MANCA revendique, comme toute structure programmant de l’art contemporain le droit à se tromper. Mais il revendique aussi la subjectivité de ses choix artistiques ; choix fondés sur une appréciation professionnelle du paysage de la musique d’aujourd’hui ainsi que sur des faisceaux d’intuitions et de coups de cœur qui relèvent quant à eux des domaines de la sensibilité et de l’émotion.

C’est donc sur l’humain et sur notre confiance en l’humain que nous avons construit cette 31ème édition de notre manifestation. La programmation de la création d’Hugues Dufourt pour grand orchestre par exemple (comme chaque manifestation) est issue d’une rencontre et de la recherche de la part de vérité subjective que renferme l’œuvre de chaque artiste. Cette part de vérité, nous la croyons représentative du monde dans lequel nous vivons et que nous tentons de comprendre et d’appréhender. Ainsi, la venue de musiciens russes a été longuement préparée par des échanges artistiques de haut niveau qui dépassent et amplifient l’impulsion donnée par le cadre institutionnel de l’année France Russie. Cette présence des musiciens russes à Nice ne relève donc pas du simple « événementiel » : nous avons beaucoup parlé, nous avons fait de la musique ensemble et nous commençons à nous comprendre. Nous avons construit des fondations, nous nous connaissons désormais et nous savons que nous avons beaucoup de choses à nous dire et à proposer ensemble, aujourd’hui, demain et dans les années à venir.

Centre National de Création Musicale, nous revendiquons aussi, alors que nous sommes au cœur des nouvelles technologies, la possibilité de vous proposer des concerts « traditionnels » sans artifice ou « cache misère ». Certains prétendent aujourd’hui vouloir « habiller » des œuvres qui n’ont été conçues que pour l’oreille avec de la vidéo ou des dispositifs multimédias de peur que leurs publics s’ennuient sans doute… Il s’agit là d’une conception non assumée de la direction artistique qui n’est pas la notre. Chez nous, il arrive que l’on vienne pour découvrir la qualité des partitions présentées par des musiciens engagés qui n’ont nul envie de distraire le « temps de cerveau disponible » du spectateur.

Le CIRM, organisateur des MANCA conserve quant à lui son credo fondamental : Qu’importe la complexité du dispositif technologique mis en œuvre, la seule vérité réside dans ce qui sortira des hauts parleurs. Ici comme ailleurs nous sommes à la poursuite de l’authenticité et de la sincérité du propos artistique et non d’une quelconque revendication fétichiste des moyens techniques utilisés. La modernité se lira dans la profondeur et non dans la dispersion.

Dans ce monde qui confond trop souvent communication et réalisation, la rencontre intime de chacun avec l’œuvre d‘art ne doit pas souffrir du moindre compromis. Ici résidera votre véritable engagement à nous suivre (ou non !) dans cette aventure : soyez humains et sincères et placez l’œuvre au centre de votre attention ; ce programme, nous le proposons à votre sensibilité. Il emportera votre adhésion ou votre refus, bref, nous le proposons à votre curiosité d’être humain. Le débat est ouvert.

François Paris

 

Manca 2009