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Actualité du Dimanche 05 Novembre 2000

Les clochers du Vieux-Nice en résonance - CONCERT MANCA 2000

Dimanche 05 Novembre 2000
16H30

Vieux - Nice

Dans le cadre du Festival MANCA 2000




Llorenç BARBER
Et l’Amicale des Sonneurs des Alpes Méridionales

présentent
« Les Carillons du Vieux-Nice en résonance »

Création mondiale



> En association avec l’ADEM

 

 



« Les clochers du Vieux-Nice sonneront l’ouverture du Festival. Llorenç Barber en sera le grand ordonnateur à travers une création réalisée spécialement pour ce cadre. Patrimoine et création fusionnent avec la complicité de l’ADEM 06 sans qui, cette manifestation n’aurait pu avoir lieu. »


Llorenç BARBER
(Ailo de Malferit-Espagne)

Compositeur, musicien et musicologue, Llorenç Barber est né à Aielo de Malferit (région de Valence) et vit à Madrid depuis 1972. Il est diplômé en piano et en composition du Conservatoire de Valence et en histoire de l’art de l’Université Complutense de Madrid. Membre fondateur en 1973 de l’Ensemble Actum que le journal El Pais a décrit comme “l’un des efforts de groupe le plus sérieux et authentique pour promouvoir la musique contemporaine libre et progressive”, Llorenç Barber crée par la suite en 1978 le Taller de Musica Mundana, seul ensemble espagnol stable qui se consacre à la musique improvisée, utilisant des instruments inusités trouvés ou construits par le groupe. De 1979 à 1984 il a dirigé la Aula de Musica de l’Université de Complutense de Madrid, où il a organisé plus de 30 cours de musique créative et un festival annuel de libre expression sonore. De 1987 à 1990 il collabore avec la Télévision Nationale Espagnole pour le programme El Mirador. Il est aussi le fondateur initiateur de Ensems et des Rencontres de compositeurs de Mallorque, autres évènements annuels importants de la Nouvelle Musique en Espagne. Depuis 1990 il est professeur à l’Institut d’Esthétique de Madrid et depuis 1991 il dirige Paralelo Madrid, série de concerts au Cercle des Beaux-Arts dédiée aux “Autres Musiques”. Conférencier et critique musical, il est aussi l’auteur d’une monographie sur John Cage publiée en 1985. Voyageur et activiste musical infatigable, il reste le plus capable et décidé avocat de l’hétérodoxie musicale, de ce qu’il nomme les “Autres Musiques”, et d’une pratique artistique libératrice et antitechnocratique.

Depuis 1980 il pratique le chant diphonique, l’improvisation, la campanologie, la musique plurifocale, la poésie phonétique, les concerts de cloches pour cités et les concerts marathons de « Sol a Sol » (“soleil à soleil”). Il partage et complète son activité musicale en créant et jouant avec Fatima Miranda dans les groupes Flatus Vocis Trio (le texte comme musique), ou le Taller de Musica Mondana (selon Robert Ashley, “l’une des experiences de musiques nouvelles les plus importantes en Europe”).

Parmi les concerts qu’il a donnés des deux côtés de l’Atlantique, il faut mentionner le récital au Musikverein de Vienne (octobre 1990), Musique pour un transit cosmique à Oaxaca au Mexique, qui a coïncidé avec une éclipse totale de soleil (juillet 1991), et le concert de clôture des Journées mondiales de la Musique (Festival SIMC, 1993). A souligner aussi les concerts de cloches pour Cités clôturant les activités de Lisbonne (décembre 1994), et celui d’ouverture à Copenhague (janvier 1996) et à Stockholm (janvier 1998) à titre de Capitale Culturelle de l’Europe.

Ces dernières années, après avoir fait “sonner” plus d’une centaine de villes en Allemagne, à Cuba, en France, en Italie, en Hollande, au Danemark, en Autriche, au Portugal et en Pologne, ses concerts-paysagistes urbains se sont enrichis de l’inclusion sonore de tambours, de canons, de sirènes, de bateaux, de feux d’artifices et surtout, d’ensemble de cuivres répartis dans l’espace. Ceci l’a conduit à réaliser la
Naumaquia, un concert-combat naval pour la ville de Carthagène, dans lequel participèrent dix-neuf
bateaux de la flotte espagnole, ou encore le Concert des sens de Murcia, une composition de synesthésie spatiale à laquelle prirent part 1700 musiciens.

… et tout récemment Saint-Jacques de Compostelle et Rome où il a « dirigé » 100 clochers.

Plusieurs enregistrements, livres, et sites lui sont consacrés.
 

« DE IRREGULARIS MUSICA »


La ville est un organisme vivant. Elle en a la complexité infinie, ses humeurs et ses recoins inexplorés. Comme dans tout processus d’enamoramiento, elle devient belle aux yeux de celui qui l’habite, à la mesure de ce qu’il en dévoile de charmes insoupçonnés. Quelle que soit notre origine, on s’approprie la ville, on la reconnaît comme nôtre, en construisant avec elle une relation, parfois douloureuse, mais qui toujours, au gré des affinités électives, enrichit notre imaginaire. La ville (ou tout autre lieu) a une âme. Appelons-la : Génie du lieu, qui le plus souvent sommeille. Llorenç Barber vient fugacement réanimer celui-ci et rendre le locus ludique.

Poétisant l’espace – ici, urbain- (in)fini dans le cadre d’œuvres démesurées dans leurs durées ou dans les moyens employés, Llorenç Barber s’efface devant les effets de ses provocations. La mise en vibration des cloches, les siennes ou celles de la cité, appelle en effet à l’(in)conscient collectif et individuel, remplissant et densifiant l’atmosphère de façon tumultueuse, primordiale. On ne vient pas écouter Llorenç Barber, sinon entendre la ville, sa mémoire, sa musique éphémère. Et celle-ci, malgré son apparent dépouillement, est par la voix campanaire, tellement chargée de résonances qu’elle s’emplit d’une infinité de connotations, de messages immémoriaux. Ecolalia ; conversations d’échos intérieurs et extérieurs réveillés par les cloches, jeux d’allers-retours incessants qui nous font éprouver les horizons lointains familiers, et inversement. Fleuve sonore aléatoire, qui est là et qui n’y est pas, qui naît de tant de sources différentes qu’il nous rappelle que nous aussi, grâce à la trame complexe et secrète des multiples références avec laquelle nous composons notre existence, sommes des No-te-entiendo hétérogènes et itinérants.

Musique pérégrine, omnibus qui suit le parcours obligé de la topographie du lieu. La sonorisation du territoire est riche de contradictions fécondes : les cloches sont profondément enracinées, inamovibles locutrices d’une rue ou d’un édifice. Une fois libérés de leur vocation spécifique, leurs sons se répercutent et se démultiplient de façon inattendue au gré des murs, concavités et autres tubes de résonances de l’urbanisme, sans mentionner les conditions atmosphériques. Nous entendons de façon erronée et de directions équivoques une musique vagabonde, avec  la possibilité de varier notre écoute comme n’importe quel flâneur : en changeant de site…

Llorenç Barber a sorti la musique de son contexte de chambre renfermé pour l’éparpiller à la croisée des chemins, pour composer avec le réel in situ, et ultimement, avec nostalgie, redécouvrir le sens du festif. Musicien des intempéries et des débordements naturels, il en assume les risques, les intègre même comme complices. Les éléments primordiaux se rajoutent ainsi à son installation musculaire, à la mécanique de l’effort physiologique du sonner de cloches. Face à la machine, c’est aussi redonner toute sa noblesse au geste de l’homme. D’où une richesse infinie de variations, dûes à la sueur (battements et pulsations sur la peau d’un corps collectif), à la fatigue d’un concert se déroulant tout au long de la nuit, et un certain état d’ébriété, catharsis se rapprochant dans une version urbaine et contemporaine des rituels de transes. Le son de cloche peut sembler désafiné, le temps incertain et la ville étrange : irrégularité d’un bouillonnement musical fécond, fracas sonore qui eut comme appellation antérieure celui de irrégularis musica, pour décrire le tumulte des fêtes publiques au Xvème siècle.

De l’esthétique du risque au risque de l’esthétique, l’œuvre de Llorenç Barber se situe quelque part entre les deux, abandonnant le rôle de « l’artiste » pour celui, beaucoup plus exigeant et périlleux (peut-être pour ne pas être classifiable ?), d’un humanisme héroïque. L’officiant en question devient occulté, mais il n’en continue pas moins de revendiquer une fonction sociale du musicien, de réintroduire le bucolique et le carnavalesque, d’agiter les mémoires empoussiérées, de secouer les réminiscences du passé et aussi, et surtout, de redonner à la Cité et à ses habitants, le sens d’une convivialité retrouvée, le désir collectif de l’être ensemble au sein d’une célébration dionysiaque.

Alain Limoges
Madrid, avril 1996



(Programme rédigé et imprimé en octobre 2000)

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