CIRM : Centre National de Création Musicale UCA
Manca 2022
MANCA
« Retour page précédente

VOI(REX)

Voi(Rex) de Philippe LEROUX

Année de composition : 2002
Durée : 23.00 minutes

Formation :

Pour voix, flûte, clarinette, violon, violoncelle, piano, percussion, dispositif électronique

Editeur

Editions Gérard Billaudot

Contexte CIRM


Notice :


I L’invisible debout
II Jusque
III De part ( … ) En part
IV Devant tout autour
V L’inachevé à son faîte

Écrite en 2002, VOI(REX) a été composée à partir de poèmes de Lin Delpierre, extraits d’un recueil intitulé “Le testament des fruits“, qui ont été librement agencés voire parfois mélangés. Si le sens du texte demeure assez souvent perceptible et sert l’expression globale de la pièce, sa structure conditionne également certains aspects de cette dernière. Les poèmes sont également employés comme matériau phonétique et suggèrent de nombreux figuralismes répartis tout au long de la pièce. La calligraphie des lettres elle-même, dans le prolongement de ces sortes d’archétypes mélodiques que sont les formes d’ondes, est utilisée comme génératrice de modèles rythmo-mélodiques et de trajectoires spatiales. Enfin, certains mouvements scénographiques empruntent aux poèmes des gestes d’écriture et de ponctuation.

La pièce est en cinq mouvements précédés d’une courte introduction. Chacun de ces mouvements s’appuie sur une ou plusieurs caractéristiques qui lui sont propres.

Pour le premier, une tenue de violon (un fixe) sert de point de repère à la transformation progressive (un mobile) de la voix bruitée — « Un peu de voix s’achoppant à soi-même » — à la voix chantée, et à une sorte de « point de fuite » spatial.
Ce sont les profils de chaque lettre du poème appliqués aux courbes mélodiques de la voix et des instruments qui donnent l’identité du deuxième mouvement. Ceux-ci s’incarnent dans une forme strophique dont la structure est identique à celle du chant de la rousserolle du buisson ou à celle de la Danse sacrale de Stravinsky.
Le troisième mouvement est constitué d’ « aplats » harmoniques traversés de fulgurances et encadrés par la voix dans une forme suggérée par le texte :
« De part
– après éblouissement –
en part. »
L’issue en est une progression vers le bruit blanc, dont la « blancheur » s’expose comme une lumière aveuglante.
C’est une structure qui domine le quatrième mouvement. Il s’agit d’une forme gigogne, mais dont les éléments emboîtés de tailles décroissantes sont différents les uns des autres. Un conduit assure la transition entre les sections. Les morphologies utilisées dans chaque élément proviennent de différents types de formes d’ondes.
Le dernier mouvement nous fait accéder par le chant à la parole, par une récapitulation générale des différents éléments constitutifs des mouvements précédents. Ce sont à nouveau les lettres des poèmes qui génèrent les profils mélodiques du « scat » vocal.
L’idée dominante de la pièce est la confrontation de différents types de modèles. Ce qu’on pourrait appeler : le modèle du modèle. Tout d’abord la chanteuse a enregistré les poèmes au plus près de gongs et d’un tam-tam qu’elle mettait en résonance par sa voix. Cela a donné, après analyse, les éléments harmoniques utilisés tout au long de l’œuvre. Dans le même temps, elle a enregistré une séquence d’improvisation à partir de certains modes de jeux vocaux. Les sons enregistrés ont été choisis, isolés et travaillés uniquement par montage sans aucun traitement. Ils lui ont alors été présentés comme de nouveaux modèles. La chanteuse devait donc s’imiter elle-même, mais après enregistrement microphonique et élimination de certaines parties des sons qu’elle avait enregistrés la première fois. De cette façon, s’est créé peu à peu un corpus constitué d’éléments vocaux qui a pu alors servir lui-même de modèle aux instruments et à l’électronique. Un certain nombre de modèles technomorphes (tels que par exemple, le frequency-shifting, l’effet doppler, le gel avec fenêtre variable de certaines parties du son ou les modèles que constitue l’écriture des lettres du poème, ou encore le modèle rythmique qu’est la vélocité de diction du poète lisant lui-même ses textes) ont également été utilisés dans un « aller-retour » constant entre voix, instruments et dispositif électronique.

Le dispositif électronique de cette pièce est constitué principalement d’un ordinateur utilisant le logiciel Max/MSP. Celui-ci gère à la fois les traitements en temps réel comme la synthèse croisée, les délais/harmoniser, le filtrage, le frequency-shifting, la réverbération, la spatialisation, etc. ainsi que le déclenchement des fichiers sons opérés par la chanteuse.

Les logiciels ayant servis à l’élaboration de l’œuvre sont OpenMusic pour toute la conception harmonique, mélodique et rythmique, Audiosculpt pour la représentation et l’analyse de certains phénomènes vocaux et le nettoyage de certaines parties de sons, Max/MSP pour la simulation des traitements en temps réel, et PSOLA pour le morphing de la fin de la pièce.

Je remercie vivement Frédéric Voisin sans qui cette œuvre n’aurait jamais pu voir le jour, Donatienne Michel-Dansac pour son grand talent et sa patience, et Gilles Leothaud pour ses très précieux conseils concernant l’écriture de la partie vocale.


Philippe Leroux.



Written in 2002, Voi(rex) was composed to poems by Lin Delpierre taken from his collection Le testament des fruits. The texts being freely arranged and even sometimes mixed. The sense, however, is still often perceptible and serves the piece’s overall expression, which is also conditioned in some aspects by the verbal structure. At the same time, the poems are used as phonetic material and suggest numerous figurations that occur right through the composition. Even the calligraphy of the letters, prolonged as wave shapes that become archetypal melodies, generates rhythmic-melodic models and spatial trajectories.
Finally, some scenic movements are borrowed from how the poems are written out and punctuated.
The piece is in five movements preceded by a short introduction, each movement depending on one or more exclusive characteristics.
In the first, a sustained violin note - fixed - serves as reference point for the progressive transformation - mobile – of the noise–discolored voice (‘a bit of voice stumbling on itself’), of the singing voice and of a sort of spatial ‘vanishing point’.
Profiles of all the poem’s letters, applied to the melodic curves of both voice and instruments, give the second movement its identity. These profiles are embodied in a strophic form that has the same structure as the song of the reed warbler or of Stravinsky’s Danse sacrale.
The third movement is constituted from harmonic ‘tints’ traversed by blazes and framed by the voice in a form suggested by the text : ‘From part – after dazzlement – to part’. What results is a progression towards white noise, whose ‘whiteness’ displays itself as blinding light.
What dominates the fourth movement is a structure : a nested form, but where the ever smaller elements packed into one another are different. A driving force ensures the transitionbetween the sections, whose shapes come from different kinds of wave form.
The last movement takes us by song to the word, through a general recapitulation of the different constitutive elements of the preceding movements. Again the poem’s letters generate the melodic profiles of the singer’s scat.
The main idea of the piece is to confront different sorts of model – to, as one might say, model models. To begin with, the singer recorded the poems standing close to gongs and a tam tam, which her voice caused to resonate. That gave, through analysis, the harmonic elements used right through the work. At the same time she recorded an improvised sequence based on various kinds of vocal technique. The recorded sounds were chosen, isolated and reworked only by editing, with no treatment. They were then presented as new models to the singer, who thus had to imitate herself, but after the recording and editing of what she had sung before. There developed in this way a corpus of vocal elements that could then serve as a model for the instruments and electronics. Some technological models (such as, for example, frequency shifting, the doppler effect, freezing within a variable frame certain parts of the sound or models derived from the letters of a poem, or even the rhythmic model provided by the poet’s speed of diction in reading his own texts) were also used in a constant give and take involving voice, instruments and electronic apparatus.
This last principally comprises a computer running Max/MSP, which controls not only the real-time treatments, such as crossed synthesis, harmonizer delays, filtering, frequency shifting, reverberation, spatialization, and so on, but also the triggering of sound files in response to the singer.
The software used in creating the piece was OpenMusic for the whole harmonic, melodic and rhythmic conception, Audiosculpt for representing and analysing certain vocal phenomena and cleaning up sounds, Max/MSP for simulating real-time treatment and PSOLA for morphing the end of the piece. I warmly thank Frédéric Voisin, Donatienne Michel-Dansac and Gilles Leothaud.
This piece is dedicated to François Paris.
Philippe Leroux


Extraits choisis de textes de Lin Delpierre (tirés du recueil Le testament des fruits) pour
Voi(Rex).
I
Un peu de voix
S’achoppant
À soi même
L’invisible debout
Devant l’oiseau
La gorge noire
De lumière
_________
La bouche désaffectée
Offusquée de cailloux et de fables
Ses empreintes
De plus en plus profondes
Dans le resserrement du jour
Brident l’expansion dans la clarté
II
Aiguë, l’herbe passe dans le soleil, bleue
Becs lucides brasillent feuillages
De granit nuques bourdonnent
Aux jarrets des jonquilles jusque
L’ombre tombe des prairies mariales
La mésange saigne sur l’ouïe
Muette ou quelque combe
Vers la lumière infranchissable
III
Part intouchable par
La bouche
De part
- après éblouissement -
En part
Apurant le néant
IV
Avec
L’inachevé
A son faîte
De désir, tenu, tendu
Non tenu de mort
Qu’il se jette
Enroulé dans sa chute
Plumage moite enflammé
Fasciné
De failles
Du bleu passe vers le monde.
___________
Devant tout autour
En hauteur
À tourner dans nous
Une muraille
Que la nuit étaye
_________
Elévation étouffement
Ta rare respiration
Soleil,
Rat dans la ramure de l’aigle.
__________
En justice de foudre
Les mains coupées
Renaissent
Présage de langueur
__________
Dégagée du grain
Guêpe
Des figuiers
Neige de l’ange
Du – abruptement-respirer-que –
Dans Aibre
Débute
Insigne printemps
Sa compacité turbulente
__________
Arbre élucidé
de la foudre
Accueille en avant des fleurs
Ce corps de cueillir
V
La faille, en bas
Haut(e), l’inachevé à son faîte
Avouant langueur à l’ange
Dans la cécité blanche du corps
__________
Je suis le voleur aux mains coupées
Pour la thrène de tes lombes adoubées de l’abeille et ta nuque
nubile
Parmi le froid Parmi les arbres je me tiens dans la mort
Le visage pantelant de temps
Dépouillé dans la ténèbre qui procède du soleil.
__________
Criant vers.
Une lumière brûle les bords de ta voix
Poussière sur les sandales
Invisiblement dans l’éphémère
L es cerisiers fleurissent,
— Déracinant l’inséparable d’ici
__________
Ta chevelure dans l’obscurité de la fenêtre
Plus cachée que le soleil descend jusqu’à tes pieds
Qui font bifurquer le chemin
Lumière sans arbre sans
La ténèbre qu’apporte un corps
Chaos s’il est beau lumière
De cette célérité blanche
D’une lettre
__________
Au bord du cri de la durée de l’air
A droite et dans la chute
Un aigle inaugure la montagne
Toucherais-je en ta bouche
L’été muet
Ultime resserrement du jour
__________
de page en murmure
le dispute à l’ange
là-bas
s’arrête le jour tout à coup
l’obscurité
confond introublée le corps bouleversé
---------------------



Pour en savoir plus

http://www.lerouxcomposition.com



Extranet artiste Dernière mise à jour le 02/11/2011

CIRM, Centre National de Création Musicale
33 avenue Jean Médecin, 06000 Nice
04 93 88 74 68 - Fax 04 93 16 07 66
Email : info@cirm-manca.org

Enhanced by D.B.L. 2019