Manca 2007 Édito Manca 2007 Programme Manca 2007 Mini Manca Équipe / Partenaires Expo MANC'ART DESIGN Info pratiques Billeterie Lieux des spectacles
Presse Photo

Éditorial Manca 2008

 

 

Le CIRM, organisateur du festival MANCA a quarante ans. Créé en 1968, époque à laquelle on prônait « l’élitisme pour tous » et où la démocratisation de la culture a marqué de grandes avancées.  Cette époque de toutes les générosités, de toutes les réflexions collectives et de toutes les utopies ( « Soyons réalistes, demandons l’impossible ») est à comparer à celle du règne de l’addition de trop de nombrilismes stériles et interchangeables que nous vivons trop souvent aujourd’hui en matière de culture. Soyons clairs, il ne s’agit pas pour nous de verser dans la nostalgie d’une époque ; ce serait paradoxal pour un Centre National de Création Musicale, par essence, projeté vers l’avant.

Il s’agit bien en revanche de contribuer à lutter contre tous les immobilismes et d’aiguiser notre esprit critique en conjuguant à l’aune de toutes les utopies le réalisme et le pragmatisme que nous impose notre époque.

Soyons un brin cynique : finalement, la culture du résultat et l’élitisme pour tous, c’est à peu près la même chose, si l’on oublie le contenu… On parle aujourd’hui plus volontiers de la culture du résultat que des résultats de la culture et c’est pour le moins dommage.

En 1964, Luigi Nono écrit la « Fabbrica illuminata » pour voix et bande magnétique. Le texte de Pavese dénonce les conditions de travail des ouvriers dans les usines.

Si je partage le point de vue d’Ivo Malec lorsqu’il dit que « musique engagée est un pléonasme », l’engagement par et pour la musique se doit, selon moi, d’être concomitant dans une certaine mesure à la pratique de l’art. Les tentatives généreuses des années 70 de faire partager la culture au plus grand nombre en se produisant dans les usines, dans les prisons ou dans tout espace dont elle était traditionnellement exclue ont  probablement laissé de côté un paramètre important : « Plaisir d’offrir, joie de recevoir » disaient les petites boîtes rouges et bleues en vente dans des distributeurs à cette époque. Si le plaisir d’offrir était authentique, on peut en revanche s’interroger sur la joie de recevoir.

Il me semble parfaitement clair aujourd’hui qu’il convient de travailler plus sur « la demande » en consolidant « l’offre » tout en gardant l’ambition initiale chevillée au corps (« l’élitisme pour tous »).

La différence entre une personne dite « cultivée » et une qui l’est moins réside dans la capacité de la première à se trouver en résonance avec ce qu’elle découvre alors que la deuxième y restera insensible parce qu’on ne lui aura pas donné les références ou les habitudes qui lui permettent de franchir le seuil. S’engager dans l’abaissement de ce seuil de résonance pour « faire du chiffre » pourrait constituer la démission d’une société décidée à assumer sa décadence. Travailler à combattre cette inégalité de l’accès à de nouvelles visions du beau et à élever ce seuil en contribuant à ouvrir le champ des émotions du plus grand nombre est en revanche une des plus belles ambitions qui soit.

En 2002 lorsque le CIRM organisait avec le Musée Chagall une saison de concerts, nous avions programmé « la fabbrica illuminata » aux côtés d’un très beau film de Bettina Ehrhardt présentant la démarche de Luigi Nono en lien avec deux de ses amis proches : le chef d’orchestre Claudio Abbado et le pianiste Maurizio Pollini. A travers l’évocation de Nono, on y voyait Venise et la mer, on y parlait de politique, de Venise, de Mahler, de la vie, du piano, de l’orchestre, de la vie, de politique, de Prométhée, de Beethoven, de l’orchestre, du piano, de Venise… et de la mer.

Au delà du réfléchi, il y a bien sûr le ressenti. C’est sur cette dialectique subtile entre culture et nature que s’établit pour tous, acteurs et spectateurs, le rapport à la création aujourd’hui. C’est à nous d’essayer de le comprendre et de tenter de vous le faire partager.

Bienvenue dans cette 29ème édition du festival MANCA.

 

François Paris
Directeur du CIRM