
Édito 2012
Bienvenue dans cette 33ème édition du festival MANCA « Stories »
Il était une fois, once upon a time, es war einmal, c’era una volta… la musique depuis toujours raconte des histoires. A la fin du 19ème siècle les compositeurs étaient priés de rédiger des notes de programme expliquant au public la supposée narration contenue dans leurs œuvres. A cette obligation Gustav Mahler avait répondu de manière fascinante à propos du troisième mouvement de sa « deuxième symphonie » : il disait imaginer se trouver en pleine nature et apercevoir au loin une salle de bal très éclairée dans laquelle on distinguait les danseurs… C’est donc ce qu’il imaginait voir qui décrivait sa musique et non ce qu’il imaginait entendre qui déterminait sa vision.
De ces paradoxes apparents, la vie des compositeurs est pleine. Si chaque œuvre porte en elle sa dramaturgie propre, il n’en reste pas moins que l’histoire « racontée » sera offerte à chaque spectateur qui aura loisir de se l’approprier avec sa propre subjectivité sans qu’aucune version de ses interprétations multiples ne soit entachée d’illégitimité : là ou d’aucuns verront un magnifique lever de soleil, d’autres seront libres d’y voir un sombre crépuscule ; et tous auront raison !
Je suis persuadé qu’une bonne partie de la richesse d’une œuvre peut se mesurer à l’aune de sa capacité à susciter le plus grand nombre d’interprétations dramaturgiques possible. Mieux, c’est l’histoire sans cesse changeante de chacune de nos interprétations propres et de leur parcours qui sont gages de la richesse d’une œuvre. C’est en partie pour cette raison que la programmation récurrente par les directeurs musicaux des orchestres de cycles complets des symphonies de Beethoven ou de Brahms (avec les concertos afférents) peut s’interpréter comme une recherche quasi obsessionnelle visant à donner la version de référence, celle qui aurait enfin, au delà des existantes, « le fin mot de l’histoire ».
Il faut donc interroger autrement. Il n’est pas inutile de connaître Manet pour comprendre Picasso. Mais il convient aussi d’envisager l’inverse : il n’est pas inutile de connaître Picasso pour comprendre Manet. Comprendre que si aujourd’hui est la conséquence d’hier ; hier peut, et doit aussi, être éclairé par aujourd’hui pour mieux réfléchir à demain.
Interroger les histoires, comprendre et ressentir les racines dramaturgiques, que portent les œuvres d’aujourd’hui ainsi que contribuer à décliner de nouvelles narrations est la préoccupation majeure du festival MANCA.
Ainsi, chacun raconte des histoires et il faut juste que nous puissions nous acclimater à ces nouveaux types de narration : Il était une fois, once upon a time, es war einmal… et puis et puis des notes, des gestes, des images. Musiciens, nous parlons sans barrière linguistique, musiciens nous pouvons masquer y compris à nous mêmes la signification ou la traduction en fait concrets de la moindre des notes que nous écrivons. Pour autant, cet ensemble de notes, de signes et d’intentions codifiés dans la partition sont porteurs de sens : ils racontent une part du monde dans lequel nous vivons.
Il était une fois, once upon a time, es war einmal… Venez écrire la suite avec nous !
François Paris