Édito 2015

Si nous devions tenter une définition de ce que devrait être la culture dans nos sociétés contemporaines occidentales, cela consisterait, peut-être, à poser comme postulat initial que le savoir et la connaissance ne doivent pas avoir uniquement vocation à une rentabilité immédiate, mais plutôt, et aussi, constituer un terreau dans lequel les différents composants peuvent entrer en résonance de proche en proche les uns avec les autres au bout d’un temps indéfini et produire, à l’échelle d’une vie par exemple, ce que nous pourrions appeler « Culture ».

J’essaye toujours d’expliquer aux étudiants que je côtoie que la totalité des cours qu’ils vont recevoir, et ce, quelque soit la qualité des enseignants rencontrés ne constituera, in fine, que la moitié, au plus, de leur formation. La moitié restante des apports indispensables à la formation d’un étudiant se déroulant, selon moi, suivant ce que j’appelle « la logique de la machine à café » et des rencontres inopinées que cette dernière occasionne.

Rencontrer, imaginer, voyager, se laisser porter par des impressions au fil des hasards de la vie n’est pas forcément « rentable » à court terme. Le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui tente de nous faire croire qu’il serait nécessaire d’exploiter immédiatement le moindre apport à des fins de production. Le reste ne serait qu’un luxe inutile, trop cher, difficilement chiffrable et donc irresponsable.

Depuis plus de quinze ans maintenant, nous tentons d’édition en édition, d’année en année de créer les conditions de rencontres inédites en essayant d’abolir nos frontières culturelles à tous dans le temps et dans l’espace. Dans le temps nous jouons sur le paradoxe que nous avons pour ambition de contribuer à créer le répertoire de demain. Dans l’espace nous essayons de vous proposer des approches du monde sonore d’une variété d’autant plus grande qu’elle reflète des perceptions différentes suivant leur origine issue des quatre coins du globe.

Nous travaillons modestement à abolir ces frontières surtout pas pour les nier en les normalisant (quel mot affreux !) pour en obtenir une rentabilité immédiate auprès de vos oreilles, mais plutôt nous cherchons à les rendre poreuses en exacerbant leurs différences et en invitant chacun à enrichir son propre terreau et son propre imaginaire, de proche en proche.

François Paris, directeur du CIRM et des MANCA