Le titre doit être prit au sens étymologique désignant des instruments
(ici huit voix et instruments) jouant ensemble ou au sens large, de jeu
collectif d’éléments, de situations, de significations, de références
différentes. Le troisième mouvement de Sinfonia exige un commentaire
plus approfondi car c’est peut-être la musique la plus expérimentale
que je n »’ai jamais écrite. C’est un hommage à Gustave Mahler (dont
l’œuvre semble porter le poids de toute l’histoire de la musique de ces
deux derniers siècles) et , en particulier, au troisième mouvement -le
scherzo- de sa deuxième Symphonie Resurrection. Mahler est à la musique
de cette troisième partie ce que Beckett est au texte. Il en résulte
une sorte «d’embarquement pour Cythère » accompli, précisément, à bord
de ce scherzo. Ce mouvement est traité comme un générateur, à
l’intérieur duquel prolifèrent un grand nombre de références musicales,
de Bach à Schoenberg, de Beethoven à Strauss, de Brahms à Stravinsky,
de Berg à Webern, à Boulez, à Pousseur, à moi-même ou à d’autres. Dans
cette méditation sur un « objet trouvé » mahlerien qu’est le troisième
mouvement de Sinfonia, j’ai surtout voulu combiner et unir des musiques
différentes, voire éloignées, étrangères les unes aux autres. En
apparence les quatre premières parties de Sinfonia sont extrêmement
différentes les unes des autres. Mais la cinquième et dernière partie a
pour rôle d’annuler ces différences en mettant en lumière et en
développant l’unité latente des mouvements précédents. Cette cinquième
partie doit donc être considérée comme la véritable analyse de Sinfonia
avec le langage et les moyens de l’œuvre elle-même. Sinfonia, composée
pour le 125ème anniversaire de l’Orchestre Philharmonique de New York
est dédiée à Leonard Bernstein.
Luciano Berio
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