Au Conservatoire de Paris, où il entre à l'âge de dix ans, Claude Debussy suit
les cours de Marmontel (piano), Lavignac (solfège), Durand (harmonie),
puis Guiraud (composition) et obtient le Grand Prix de Rome en 1884
avec la cantate L'Enfant prodigue. Entre temps, il avait été engagé
comme pianiste par la baronne Von Meck, la protectrice de Tchaïkovsky,
avant de rencontrer Madame Vanier et d'en devenir l'accompagnateur. De
retour à Paris, il compose La Damoiselle élue, se lie avec les poètes
symbolistes, découvre les Impressionnistes et les musiques
d'Extrême-Orient. Atmosphère et couleur prennent dans ses oeuvres le
pas sur les structures formelles. C'est l'époque des Ariettes oubliées,
de Fêtes galantes et de la Suite bergamasque. En 1894 est créé à Paris
le Prélude à l'après-midi d'un faune, partition novatrice qui connaît
un grand succès. Tout en travaillant à Pelléas, Debussy crée ensuite
Les Chansons de Bilitis, les Trois Nocturnes, et, pour le piano, les
Estampes. Cette «première période», que l'on peut qualifier
d'impressionniste dans la mesure où les contours mélodiques semblent
s'y estomper dans une mosaïque de sensations, se clôt avec le scandale
de la création de Pelléas et Mélisande (30 avril 1902). Si elle divise
profondément la critique, l'oeuvre place Debussy au premier rang des
compositeurs français.
Achevée et créée en 1905, La Mer, «la» symphonie de Debussy est
attaquée avec plus de violence encore par le milieu musical officiel.
Mais la profonde originalité de l'oeuvre aura une grande influence sur
la génération suivante. Suivent Images, autre tryptique symphonique
dans lequel chatoient les rutilantes couleurs d'Iberia, les deux livres
des Préludes et les douze Etudes pour le piano, le ballet Jeux, En
blanc et noir, ou le Martyre de saint Sébastien, «mystère» d'après
D'Annunzio, trop méconnu. Dans cette deuxième période éclate la
modernité d'un style qui semble s'être affranchi de toutes les
conventions formelles antérieures et Debussy fait de plus en plus
figure de chef d'école. Mais dès 1910, sa santé se détériore. Il doit
renoncer à de nombreux projets. Ses dernières oeuvres, en particulier
les sonates, sont créées pendant la guerre, dans un climat de réaction
nationaliste auquel lui-même ne reste pas étranger. Terrassé par le
cancer, Debussy meurt à Paris le 25 mars 1918, dans l'indifférence
générale d'une ville bombardée par la «Grosse Bertha». De son second
mariage, Debussy (qui eut une vie sentimentale tumultueuse) avait eu
une fille, Claude-Emma dite «Chouchou», dédicataire de Children's
Corner.
La musique de Debussy est aux antipodes du post-romantisme et du
wagnérisme alors en vogue en Europe. Le développement traditionnel est
abandonné, les thèmes fragmentés. La couleur et la sensation
prédominent (souvent violentes : rien de plus faux que l'idée d'un
Debussy flou ou vague ; son dessin est toujours net et sa musique
puissamment sensuelle), la dissonance s'émancipe. L'influence des
traditions exotiques (gamme pentatonique, gamme par tons entiers...)
est considérable. Enfin, dans cette oeuvre exigeante, si
l'expérimentation prime, le résultat n'est jamais inférieur à la
pensée ; harmoniste extraordinaire, excellent pianiste,
orchestrateur d'exception, Debussy était aussi un artisan de la
création musicale au sens fort du terme. Avant Stravinsky et Bartok, il
est l'un des grands émancipateurs de la musique occidentale.
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