Capter et modeler des forces dynamiques hante la musique depuis toujours et l'inventivité reste infiniment ouverte dans ce domaine. Dans cette oeuvre, la mobilité fait l'objet d'une "rêverie" comme le dirait Bachelard à propos du feu, de l'air ou de l'eau, ou encore d'une expérience du sentir selon l'expression chère à Fernando Pessoa. Ici celle de l'élasticité propre à un espace mouvant, en frottement, qui se constiue peu à peu comme modèle ou paysage physique. Celle de vitesses variables, de degrés de fluidité et d'énergie qui nous entraînent dans des transformations proches de l'imperceptible, à la frontière de sensations plastiques, visuelles, tactiles... Le principe de la scordatura, employé dès le 16e siècle, consiste à modifier l'accord d'une ou plusieurs cordes d'un instrument. Ce procédé qui permit alors d'étendre les possibilités instrumentales et d’accéder à de nouvelles combinaisons sonores constitue un principe de libre distribution du paramètre des hauteurs qui peut aussi bien être appliqué aux instruments acoustiques qu’à l’électronique. Etendu à de nouvelles dimensions techniques, il permet de décomposer et recomposer des milieux sonores : l’intervalle est modifiable et rejoint la potentialité acoustique du son. Les quatre guitares sont accordées en 1/12e de ton et sonorisées. Chaque guitare occupe une région spécifique qui se complète du grave à l’aigu, réalisant un continuum en 1/12e de ton. Ce milieu sonore de 72 sons par octave est la plupart du temps traité en modes de jeux entretenus (divers rasgueados, frottements et glissements de bottle-neck) qui modèlent l'écoute “ microphonique ” des dynamismes et des transformations de timbres.
Cette pièce est dédiée à Gérard Grisey.
Pascale Criton
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