L'octobre seul a été écrit pour des solistes que j'ai rencontrés au fil de mon parcours musical. Les difficultés techniques ont été étudiées avec eux, l'œuvre existe donc grâce à eux. L'œuvre a été créée en mai 1992 par Nicolas Miribel, violon (Marc Vieillefon l'a reprise lors de la version qui a été donnée en juillet 92 à Darmstadt), Florian Lauridon, violoncelle, Pierre Dutrieu et Renaud Desbazeille, clarinettes et Elisabetha Giorgi, harpe . Le poème de Christian Da Silva cité plus bas m'a "accompagné" tout au long de l'écriture de l'œuvre, cependant, il n'a aucun rapport direct avec la construction de la pièce, il s'agirait plutôt d'une sorte de "compagnon de route". Tout mon travail dans les œuvres qui ont suivi "L'octobre seul" a consisté pour une large part à développer ce qui était esquissé ici. J'ai essayé de recréer cette dimension oblique (qui existe de manière si forte dans les musiques du passé) au regard des problématiques d'aujourd'hui. Je cherche à établir des rapports fonctionnels entre mélodique et harmonique. Pour résumer un peu cette démarche, je dirai que j'essaie de travailler sur d'autres tempéraments issus de nouveaux compromis vertical horizontal. Cette démarche en soit n'aurait que peu d'intérêt s'il s'agissait uniquement de reproduire ce qui a été fait pour le langage tonal et d'appliquer cela à des tempéraments plus ou moins larges; ce serait la répétition d'un modèle. Pour moi, ce qui me passionne du point de vue musical, c'est le passage d'un tempérament à un autre dans le cours du discours, ce qui revient à faire entrer une autre dimension, un autre paramètre dans le musical, à savoir la dimension anamorphique. Un des buts de la construction de mon langage serait donc de faire évoluer cette oblique dont nous avons parlé en lui adjoignant ce rapport d'anamorphose. On pourrait d'ailleurs discuter ce terme d'anamorphose; on se souvient qu'en art, la notion d'anamorphose suppose la présence d'un modèle et de monstres qui en découlent. Dans la construction précitée, il n'y a pas de modèle référent en tant que tel, c'est la somme des déclinaisons qui crée l'objet et non l'inverse.
FRANCOIS PARIS
Tant d'os jetés
se cherchent squelette
que les nuits vrillent nos pages
et disent mort ou mot
alors toutes langues inutiles
prennent l'envers des vagues
parmi les signes délavés
une haleine en retard
fait vivre la neige
mais
nulle trace
nulle levée
l'octobre seul
CHRISTIAN DA SILVA (extrait)
(éditions Saint Germain des Près)
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