La notation utilisée par Cage dans cette pièce est tout à fait traditionnelle mais comme dans les sonates et interludes (1949), le résultat sonore diffère de ce que tout musicien « entend » à la lecture de la partition. En effet, le piano est préparé, selon une technique inventée par le compositeur dès 1938, dans une Bacchanale écrite pour la danseuse S. Fort.
La préparation du piano consiste à introduire des corps étrangers (boulon, vis, carton, bois, fil…) sur et entre les cordes de l’instrument. Cage donne souvent des indications très précises quant à la pose de ces accessoires car la grosseur, la longueur, la matière de l’objet et surtout l’emplacement où il est inséré par rapport à la longueur de la corde jouent un rôle prépondérant dans les caractéristiques acoustiques de l’instrument ainsi préparé. Le piano produit alors des timbres multiples des sons complexes parfois proches du bruit. De plus, la distorsion par rapport à l’écriture est parfois très grande puisque l’aspect linéaire de l’enchaînement des notes sur la partition peut engendrer des phénomènes sonores inverses, sans oublier que des timbres à caractère bruiteux (donc indéterminés peuvent se mêler à des hauteurs nettement définies.
La partition de Daughters of the Lonesome Isle n’utilise que 39 timbres (un piano normal possède plus de quatre-vingt touches) mais à cause et grâce à cette opération, le timbre du piano est comme distendu, éclaté en une série de 39 objets qui se trouvent d’un seul coup libérés des contraintes mélodiques et harmoniques traditionnelles.
La lecture des partitions pour piano préparé de John Cage ne permet pas d’imaginer la musique : la seule ressource reste donc la réalisation effective sur l’instrument, et dans ce sens ces œuvres, plutôt que des musiques à lire, sont des musiques à jouer et à écouter.
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