Commande du Ministère de la Culture pour le Festival Manca - CIRM, Centre National de Création Musicale de Nice et l’Orchestre Philharmonique de Nice, France.
Le mot Fabula, d’origine latine, dérive du verbe fari qui veut dire parler ou exprimer par la parole : il prend donc le sens de récit ou d’histoire racontée. En grec ancien le mot qui est le plus proche est myhtos signifiant à la fois parole, récit, discours ou légende. Dans la construction d’une fable, la question centrale consiste à présenter comme réels des faits imaginés par l’esprit. Il s’agit donc bien de l’invention systématique d’une histoire, d’une fabulation : de l’éventualité de produire un mensonge.
Dans la narratologie des formalistes russes du début du XXe siècle, la Fabula défini l’ordre dans lequel sont présentés les différents éléments du récit. Constituée par de matériaux bruts comme sont des évènements, des situations, des caractères, des faits, la Fabula présente des matériaux dans un ordre chronologique déterminé mais qui n’est pas nécessairement fixe ou préétabli. Elle est donc simplement une suite chronologique d'événements manipulés pour former un sujet, une intrigue, une dramaturgie. La Fabula est alors « la mise en forme dynamique comme force du discours narratif »1.
C’est cette vision de la Fabula qui s’est naturellement mis en place durant la composition de la pièce : j’ai composé ses différentes parties sans tenir compte d’un quelconque ordre préalable, ignorant volontairement les rapports de causalité pouvant conduire d’une partie à l’autre, d’une section à l’autre. Dans ce sens, pour son élaboration formelle, je n’ai pas développé une stratégie qui soit basée sur la transformation de certains éléments, sur leur retour, leur persistance ou leur caractère éphémère : j’ai volontairement donné toute l’importance au processus de fabulation lui-même, sans m’occuper de la construction du récit le justifiant, sans savoir en quoi il allait réellement consister, ce qu’il allait nous raconter.
La forme s’est construite au tout dernier instant, quand l’ensemble des parties avaient été composé. Seulement alors, je les ai « ordonnées », séquencées, mises en regard. J’ai ensuite su que j’avais commencé la composition de la pièce par la section finale, que le début de la pièce avait été composé quelque part au milieu du processus d’écriture, que le milieu avait été conçu à son début, etc.
Suite à cet agencement, certains matériaux de la pièce, certains éléments constituant le récit, ont acquis des caractéristiques que je n’avais réellement pas pris en compte à l’échelle des différentes parties. Ces caractéristiques (comme par exemple, la notion d’accord ou de verticalité, la notion de geste dynamique, le contraste abrupt entre certains éléments, certaines manières d’orchestrer les bois ou les cuivres, une forme en particulier d’utiliser les cordes ou les percussions, le solo instrumental, etc.), je les ai ensuite perçues comme participant d’un tissu beaucoup plus complexe que celui qui s’est constitué par la simple juxtaposition de différentes sections. Une interconnexion particulière entre les évènements, un réseau organique d’idées, une réelle fabulation, s’est alors mis en place à l’intérieur de la pièce.
Daniel D’Adamo
1 Brooks, Peter. Reading for the Plot : Design & Intention in Narrative. New York : Harvard University Press, 1992.
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