Architecte, décorateur et dessinateur italien, Francesco Castelli,
dit Borromini est nait à Bissone en 1559. Tailleur de pierre à Milan,
il se rend dès 1615 à Rome. Actif sous les trois papes de la Rome
baroque, il se voit confier la construction d’édifices religieux.
Héritier de Michel-Ange, Borromini manifeste une prédilection pour les
recherches illusionnistes. Il se suicide le 2 août 1667 et laisse
derrière lui un testament recueillit par un médecin témoin de son
agonie. Mais comment trouver un corollaire entre la musique et les
dernières paroles d’un suicidé ? C’est qu’il faut les considérer comme
un document qui doit être reçu dramatiquement et ne doit pas être
représenté. Aucune description donc. La musique ne décrit pas. Elle
veut analyser les formes de la perception, le sentiment et la folie :
le contour de l’un délimite toujours la forme blanche de l’autre.
Tracer la folie, ce que le mythe autorise à la musique, et qui lui
était propre, se fait ici dans le sillage d’une expérience doublement
exceptionnelle, vécue par un artiste. On a parfois l’impression d’avoir
rêvé. Imaginons certains éléments de la réalité sonore intérieure et
extérieure. Le halètement, la voix qui dicte, les cloches des heures,
le réveil à son propre ronflement, tellement concret. Jusqu’au silence
oppressant les oreilles. Les oiseaux chantaient déjà quand il sombra
une nouvelle fois dans le sommeil, mêlé à des plages de conscience dans
le son-horizon. Lui aussi se plie, se précipite dans le son-silence.
Instabilité des dimensions.
A la Déformation temporelle correspond une ouverture de l’espace : volières d’anges, l’impression d’une « fausse normalité ».
La
musique représente maintenant l’espace où se déroule la tragédie : les
franges de la nuit, les sons décuplés par l’insomnie, jusqu’à lacérer
l’esprit, les phénomènes d’une chambre noire que nous avons tous
connue. L’obsession d’un petit refrain imprègne les draps. Elle s’est
insinuée. Elle s’enroule.
La perception de la réalité sonore,
désormais détachée, perd tout sens des proportions, le battement forme
des pointes dans le son-silence (l’écho, d’abord, d’un tintement dans
le vide) et des myriades de cloches dans le son pressent, veulent en
sortir. Chaque chose, la même chose, nous semble minuscule et
gigantesque l’instant suivant. Les mauvais objets envahissent tout, ils
sont devenus mondes. Il n’y a plus de différence, il n’y a plus de
temps, il n’y a plus de dedans ni de dehors : le dedans est le dehors.
Salvatore Sciarrino
CIRM, Centre National de Création Musicale
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