Concerto pour alto, le Cyprès blanc a été écrit à
l’initiative de Gérard Caussé qui est le créateur de l’œuvre. Commande
du Festival Musica de Strasbourg et de l’Orchestre Philarmonique du
Luxembourg, cette œuvre a été créée par Gérard Caussé à l’alto et
l’Orchestre Philarmonique du Luxembourg, sous la direction de
Pierre-André Valade, le 25 septembre 2004 au Festival Musica de
Strasbourg. L’idée directrice de cette œuvre présente deux aspects
complémentaires : imaginer la sonorité et la ligne monodique de
l’alto comme une sorte de résultante du processus global de la sonorité
de l’orchestre, comme si l’orchestre proposait à la voix soliste une
immense basse continue ; traiter, à l’inverse, l’orchestre comme
une formidable extension de la sonorité de l’alto, à la manière d’une
caisse de résonance instrumentée, orchestrée, écrite. Le choix de
l’alto déplace le centre de gravité de l’orchestre qu’il abaisse d’une
octave. L’orchestration et la ligne d’alto procèdent d’une commune
origine qui est le do de la corde grave de l’alto, note autour de
laquelle tout l’orchestre sera appelé à graviter, donnant ainsi un
relief aux sonorités d’ordinaire plus effacées du registre du
sous-médium. L’alto fait son entrée après un très long préambule de
l’orchestre, qui se souvient du Premier Concerto pour piano de Brahms.
L’alto émerge peu à peu d’un continuum qui, dans toute la partie
centrale, s’engagera dans un processus de transformations et de
convulsions, mettant le soliste dans la situation d’avoir à lutter pour
s’imposer et traverser ce tumulte. La forme de l’œuvre est assez
complexe, plaçant constamment le soliste sur le fil du rasoir. J’irais
même jusqu’à dire que la forme c’est, à l’image de notre temps, la
survie du soliste. La structure est intentionnellement
asymétrique : après la très longue plage du préambule, sans
soliste, après l’épisode de la mer démontée, vient une seconde partie
qui est à la fois un adagio, une coda, une péroraison qui n’en finit
pas et qui donne latitude au soliste de déployer une forme reconquise
de lyrisme. Là encore, les rapports traditionnels du soliste à
l’orchestre sont inversés car tout l’orchestre est appelé à osciller
autour des lignes directrices que trace la voix solitaire de l’alto.
L’harmonie devient de plus en plus complexe et équivoque car elle
absorbe peu à peu en elle toutes les déterminations du domaine du
timbre, si bien que c’est une seule couleur sonore qui s’anime d’un
mouvement alterné de contraction et d’expansion, une couleur souvent
polarisée qui donne à la sonorité de l’alto un indéfini pouvoir de
différenciation et de résonance. Le titre de cette œuvre est tiré des
lamelles orphiques que l’on a retrouvées dans les tombes du bassin
méditerranéen. Au VIIe siècle avant Jésus-Christ se forme une
conscience de l’au-delà qui est sans doute l’une des premières formes
de conscience historique. L’image, unique dans l’Antiquité, du cyprès
blanc est celle d’un arbre de lumière qui indique aux mourants la
manière de s’échapper du monde, de s’échapper du cycle des
métempsychoses, pour rejoindre l’au-delà d’une mémoire qui se rattache
à l’éternité.
Hugues Dufourt
CIRM, Centre National de Création Musicale
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