Konx-Om-Pax, composé en 1968-69, mobilise un très
grand orchestre avec cordes au complet et orgue, où ne manquent que des
flûtes. Le chœur n’intervient que dans le dernier des trois mouvements.
Les trois paroles du titre veulent dire Pais, respectivement en vieil
assyrien, en sanscrit et en latin, et le « programme » de
l’œuvre est, selon Scelsi, « trois aspects du Son : comme
premier mouvement de l’immuable ; comme force créatrice ;
comme la syllabe « Om » (la syllabe sacrée des
Bouddhistes) ».
Ce qui frappe d’emblée par rapport aux œuvres d’orchestre plus
anciennes de Scelsi, c’est l’extension du paramètre harmonique, raison
pour laquelle, sans aucun doute, le compositeur a ici réuni les cordes
au complet, toujours écrites en parties réelles. Il s’affirme ici un
harmoniste du génie, et invente des complexes sonores d’une beauté et
d’une force expressive qui coupent le souffle. L’œuvre rayonne
véritablement d’une chaleur sainte. Deux mouvement modérés, amplement
développés, entourent un morceau central très court mais très puissant,
sorte de violente explosion de force.
Le premier mouvement, sur le son principal Ut, édifie des complexes
harmoniques en éventail autour de l’axe de l’Ut central, traité comme
une pédale intérieure. Ces accords respectent tout d’abord la plus
stricte symétrie dans la réputation de leurs intervalles, et ce n’est
qu’avec l’ajout d’agrégats de quarts de ton que cette symétrie est
abandonnée à partir du sixième complexe. A l’issue d’une graduelle
densification harmonique, la musique atteint à son sommet dynamique en
un gigantesque unisson sur l’Ut d’origine, soigneusement et richement
élaboré en tous ses paramètres. Une fois encore, de complexes harmonies
se tendent, avec même des glissandi, puis le morceau s’éteint doucement.
Le très bref deuxième mouvement (une minute et demie à peine !)
veut représenter la force créatrice, et le fait au moyen d’un
tourbillon sonore d’une puissance écrasante, emportant tout sur son
passage. Le son principal Fa se trouve dans une certaine mesure enfoncé
et englouti par la densité des évènements harmoniques, par les
glissandi et les gammes chromatiques, mais il survit à ce séisme sonore
et revient à la surface pour finir.
Dans le dernier mouvement, le plus grandiose, sur le son principal La,
le chœur fait son entrée, répétant sans cesse la seule syllabe sacrée
« Om ». Il est impossible de décrire avec des mots comment,
par l’effet de cette syllabe, l’univers entier se met graduellement à
résonner et à vibrer. Scelsi excelle mieux que tout autre à libérer
toute l’énergie qui se cache au plus intime du Son, et sans doute nulle
part avec une puissance élémentaire plus grande que précisément ici.
Nous touchons là à des forces secrètes de l’univers qui peuvent mener
aussi bien à la transfiguration qu’à la destruction. Mais heureusement
« Om » signifie Paix. C’est là une musique du dépassement de
soi-même et de l’union de l’homme avec le cosmos. Elle ne peut donc
rayonner qu’une force positive, comme tout grand art depuis le début de
l’humanité, et nous accomplir dans l’Unité avec Dieu.
Harry Halbreich (AION – PFHAT – KONX-OM-PAX)
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